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vendredi 9 décembre 2016

La soupe à rétrécir

Chapitre 1 : Le stand bizarre

C'était la fête de l'école. Tandis que mes parents tenaient la buvette,
j'essayais les jeux avec mes copines.

Après la course en sac, j'ai remarqué un stand bizarre, à l'écart des autres.
Pendant que mes amies se reposaient, je suis allée le voir.

Une dame, drôlement bien déguisée en sorcière, remuait de la soupe dans
un chaudron, près d'un vieux balai. Elle m'a dit d'une voix grinçante :

- Approche, Léa.

J'ai voulu lui demander comment elle savait mon prénom, mais elle m'a
tout de suite déclaré :

- Tu dois goûter ma soupe et en deviner les ingrédients.

Ca avait l'air amusant, alors j'ai pris une gorgée de soupe. Elle avait un
goût atroce ! La dame a dit :

- C'est mauvais, hein ? C'est à cause des pustules de crapaud. Si je n'en
  mets pas, la potion ne marche pas.

Soudain, je me suis sentie rétrécir. En quelques secondes, je suis devenue
minuscule... La dame était une vraie sorcière !

La sorcière m'a aussitôt attrapée et jetée dans un sac. Je me suis retrouvée
dans le noir, terrifiée. J'ai crié, mais personne ne m'entendait !

C'est alors que le sac s'est brusquement ouvert. Avant qu'il se referme, j'ai
juste eu  le temps de voir atterrir mon copain Baptiste. La sorcière a
ricané :

- Vous êtes exactement les enfants qu'il me faut ! Il ne me reste plus qu'à
  me rendre invisible et à voler jusqu'à chez moi !

Elle a prononcé une formule magique : "Décollé ksassott, balai, au manoir
de la forêt ! Nous avons été terriblement secoués. Puis la sorcière a ouvert
le sac. Nous étions dans une pièce sombre, pleine de fioles et de potions...

Très vite, la sorcière nous a glissés dans une sorte de boîte en carton, avec
juste quelques trous pour respirer, comme si nous étions des hamsters !
Un homme est entré et a dit :

- Chérie, les invités arrivent pour le repas d'anniversaire !
- Je viens ! a répondu la sorcière, je finis juste d'emballer le cadeau de notre
  petite Lucifère adorée !

Baptiste et moi, nous nous sommes regardés, épouvantés : le cadeau
d'anniversaire, c'était nous !

Chapitre 2 : Le cadeau surprise

A travers un trou du paquet-cadeau, nous avons assisté avec angoisse au
repas des sorciers. Au dessert, Lucifère a soufflé six bougies sur un gâteau
gluant qui sentait les œufs pourris. Puis elle a ouvert ses cadeaux. En nous
découvrant, Lucifère s'est exclamée :

- Super ! Des poupées !
- Nous sommes des enfants, pas des jouets ! a protesté Baptiste.
- Plus maintenant ! a ricané la petite sorcière.

Et elle nous a emmenés dans sa chambre. Lucifère nous a installés dans
une maison de poupée, puis elle nous a obligés à prendre un faux repas
dans des assiettes vides. Et elle nous a changés de vêtements quatre fois.

Assis par terre, son chat ne nous quittait pas des yeux. Au bout d'un moment,
la sorcière a appelé sa fille :

- Viens dans le jardin, ma grenouillette chérie ! Le feu d'artifice va commencer !

La petite sorcière nous a menacés :

- Si vous osez sortir de ma maison de poupée, mon chat Méphisto vous
  mangera

Et elle est partie.

- C'est affreux ! Qu'est-ce qu'on va faire ? a gémi Baptiste.

Une idée m'est venue :

- La sorcière a sûrement une potion qui fait grandir. Peux-tu occuper Méphisto
  pendant que j'essaie de la trouver ?

Tandis que Baptiste appelait le chat par la fenêtre, je me suis faufilée hors
de la maison de poupée... J'ai couru jusqu'à la pièce sombre où nous avions
atterri. J'étais si petite que j'ai eu l'impression de parcourir des kilomètres !...

La porte était entrouverte. J'ai escaladé les étagères en lisant les étiquettes
des potions. Derrière un crapaud empaillé, j'ai fini par trouver un flacon
d'élixir pour grandir.

Comme j'étais trop petite pour l'ouvrir, j'ai poussé le flacon jusqu'à ce qu'il
tombe par terre. Il s'est écrasé sur le sol en faisant une immense mare. J'ai
bu un peu de potion et j'ai aussitôt retrouvé ma taille normale. Il était temps
d'aller délivrer Baptiste !

Chapitre 3 : La fuite

Dans la chambre de Lucifère, Méphisto essayait de démolir la maison de
poupée. Je lui ai donné un coup de pied et il s'est sauvé en crachant. Baptiste
est sorti tout étourdi de la maisonnette. Je l'ai porté jusqu'à la salle des potions
pour qu'il boive l'élixir. Et dès qu'il a eu retrouvé sa taille, j'ai proposé :

- Si on prenait un balai magique pour rentrer chez nous ? Je me souviens
  de la formule pour le faire voler.

Nous avons vite traversé le jardin. Les invités ne faisaient pas attention
à nous, ils applaudissaient en regardant le ciel. Leurs balais étaient appuyés
sur le portail. Nous en avons enfourché un et j'ai dit :

- Décollé Ksassott, balai, à l'école !

Ensuite, on s'est cramponnés comme on a pu, jusqu'à ce que le balai
atterrisse dans la cour de l'école. La cour était déserte. La fête était finie.
Nous sommes sortis dans la rue où une patrouille de police nous a tout
de suite repérés.

- Ce sont les enfants qu'on recherche ! s'est exclamé un des agents en nous
  faisant monter dans la voiture. Vite, au commissariat !

Au commissariat, nos parents nous ont serrés dans leurs bras en disant :

- Où étiez-vous passés ? Nous étions si inquiets !

Baptiste et moi avons raconté notre aventure. Le chef de la police a
annoncé :

- Nous allons mener notre enquête et nous arrêterons tout ce monde-là.

Baptiste et moi, nous avons eu de la chance : tout s'est bien terminé.
Mais si un jour, à la fête de l'école, une sorcière te propose de goûter de la
soupe... un bon conseil : sauve-toi !


La soupe à rétrécir (Anne Rivière - Gwendal Le Bec - Bayard poche)

Angelo

Il y a bien longtemps de cela, vivait en Italie un jeune garçon qui
s'appelait Angelo.

Sa mère et son père parcouraient le pays en
roulotte. Angelo les accompagnait. Il avait
deux frères aînés, les jumeaux Beppo et
Benno; et aussi un petit frère, Sandro.

Tout ce qu'il possédaient, ils le
transportaient avec eux.

A chaque arrivée dans un village, ils garaient
la roulotte sur la place. Le père d'Angelo et les deux
jumeaux bâtissaient une estrade avec des planches.
Le reste de la famille accrochait rideaux et banderoles pour le décor.

Ensuite, ils sortaient une malle pleine de costumes et chacun
enfilait le sien. Et le spectacle commençait !

Bientôt la place s'emplissait de monde, et des gens se penchaient
aux fenêtres pour regarder. Tandis que le père d'Angelo battait
du tambour, Beppo et Benno faisaient d'incroyables acrobaties.

Beppo pouvait porter Benno à l'envers sur sa tête, ou encore ils
se faisaient tomber avec des croche-pieds.

Puis le père d'Angelo interprétait des chansons amusantes en
jouant de la guitare, pendant que sa femme agitait son tambourin.
Et même Sandro tapait sur un tambour plus grand que lui !

Mais le clou du spectacle, c'était bien Angelo et son numéro
d'équilibriste. Il grimpait sur une corde raide et marchait dessus.

Il savait même danser sur une corde ! Et jamais il ne tombait.
Au-dessous de lui, le public émerveillé applaudissait.

Après le spectacle, ils démontaient l'estrade et rangeaient leurs
costumes. Puis la famille campait sous les arbres et la mère
d'Angelo préparait le dîner. Parfois Beppo et Benno jonglaient
avec des œufs; et leur père jouait de la guitare.

C'est ainsi qu'ils traversaient l'Italie de village en village.

Un jour, au moment où Angelo venait de finir son numéro, il
aperçut une petite fille qui pleurait à chaudes larmes.

- Pourquoi pleures-tu ? demanda-t-il.
- J'aimerais tellement être funambule et parcourir le pays comme
  toi, répondit-elle.

Puis elle lui raconta son histoire. Et, chose étrange, elle s'appelait
Angelina. Pauvre Angelina ! Elle n'avait ni père ni mère et vivait
avec son oncle, un homme lugubre et méchant.

Il était censé s'occuper d'elle, mais en réalité, c'était elle qui
s'occupait de lui. Elle devait épousseter les tables et les chaises, et
aussi laver tous les sols qui étaient vraiment immenses.

Ensuite elle devait laver la vaisselle, laver le linge... et faire tout
le repassage. La nuit, elle dormait dans un lit étroit et dur. Dans sa
chambre logeaient deux souris à qui elle parlait le soir. C'était là
ses seules amies car son oncle lui permettait rarement de sortir.

Chaque nuit, l'oncle d'Angelina fermait toutes les portes à double
tour avec un énorme trousseau de clés.

- J'aimerais tant partir avec toi, dit Angelina. Mais mon oncle me
  gardera enfermée ici pour toujours.
- Ne t'en fais pas, dit Angelo. J'ai une idée.

Cette nuit-là, quand les rues furent désertes, Angelo et
ses deux frères se faufilèrent dehors avec la malle à
costumes. Angelo grimpa sur les épaules de Beppo...
qui grimpa sur les épaules de Benno... et Benno grimpa
sur la malle.

Ils arrivèrent juste sous la fenêtre où Angelina les
attendait. Ils la firent descendre et très vite ils la
cachèrent dans le panier. Ils coururent d'un trait
jusqu'à la roulotte.

Le lendemain, au lever du jour, la famille d'Angelo était loin,
et Angelina aussi.

Depuis ce jour-là, Angelina fit partie de la famille. Elle les
accompagnait partout, et chaque jour, Angelo lui donnait
des leçons d'équilibre.

Au début, Angelina tombait assez souvent. Mais pour finir, elle
apprit vraiment à danser sur la corde. Et la mère d'Angelo
confectionna pour elle un magnifique costume.

C'est ainsi qu'Angelo et Angelina dansèrent en duo sur une corde.
Et partout les spectateurs applaudissaient.


Angelo (Quentin Blake - Petite Bibliothèque Calligram)