publicité

jeudi 31 janvier 2013

Mon rêve à moi

J'aime bien regarder les photos de papa quand il était petit. Quand il était petit, son
papa à lui était juge. Un juge, ça décide du sort des gens. Mon papa, il deviendra
docteur. C'est son papa à lui qui l'a décidé.


Et pour devenir docteur, il faut bien étudier à l'école. Son papa-juge y veille bien.
Si papa ramène de mauvaises notes, gare ! C'est terrible, un papa-juge...

Tout petit, déjà, mon papa suivait les doigts agiles de sa maman pianiste. Avec
elle, tous les enfants apprendront le piano. C'est comme ça ! Pour jouer du piano,
il faut de bons réflexes, a dit sa maman... Alors pour s'entraîner, mon papa lance les
verres en l'air avant de les ranger. Mais s'il ne les rattrape pas, gare !

Mon papa a aussi appris qu'un garçon bien éduqué ne pleure pas, ne se plaint pas,
ne parle pas de ses bobos ni de ses chagrins, se tait à table, s'habille et parle bien
comme il faut... C'est terrible, une bonne éducation...


Avec tout ça, mon papa est devenu un monsieur bien comme il faut. Il a étudié le
métier de docteur, ce qui a fait bien plaisir à son papa à lui.

Et puis, mon papa a voulu apprendre le métier de pianiste. Il est entré dans une
grande école de musique. Pour se faire plaisir à lui. Son papa n'a rien dit. Sa
maman lui a dit :

- Pourquoi pas ... ?

Mais quand mon papa a déclaré qu'il serait pianiste, son papa à lui est devenu tout
rouge - on ne crie pas quand on est bien éduqué - et l'a traité de fou et d'"artiste".
Sa maman n'a rien dit. Son papa-juge lui a laissé le choix : Ou bien mon papa travaille
comme docteur, ou bien il quitte la maison. Mon papa a quitté la maison de ses parents.

Ce n'est pas toujours facile. Mais alors, il connaissait déjà maman et il était heureux.
Enfin, pas tout à fait : Il pense souvent à ses parents... Papa avait déjà beaucoup d'élèves
quand je suis née. Mes parents m'ont appelée Marie-Anne-Laure. Marie pour les 
intimes.

Les parents de papa en ont profité pour rappliquer. Ils voulaient me voir. Il faut dire que
j'en vaux la peine. Lui, il s'appelle papy, et elle, mamy. Et la vie a continué... Papa est
heureux. Il a de plus en plus d'élèves musiciens en herbe. Papy et mamy ont oublié
pourquoi ils étaient fâchés.


Pour papa, la musique, c'est la vie. Parfois j'accompagne papa chez ses élèves. Une
vie de bohème, quoi ! Papa, c'est le meilleur professeur. Je suis très fière de mon papa. 

Et moi, je suis la meilleure élève de papa. La musique, c'est formidable ! Et moi, plus
tard, je serai... Docteur !

Mon rêve à moi (Pascale Francotte - Alice Jeunesse) 

Drôle de pizza

Pierre est de mauvaise humeur. Il devrait être en train
de jouer au ballon avec ses copains, mais il pleut. Le
papa de Pierre voit bien que son fils est malheureux.
Il se dit que faire de Pierre, une pizza lui remonterait
peut-être le moral.

Alors il l'allonge sur la table de la cuisine et commence
à pétrir la pâte. Il l'étire d'un côté, puis de l'autre.
Maintenant la pâte tournoie et virevolte au bout de ses
doigts.

Ensuite il nappe d'huile d'olive, (en réalité c'est de l'eau) puis il verse la farine (en réalité c'est du talc) et dispose les tranches de tomates (des pions de jeu de
dames, en fait).

Pierre pouffe de rire quand il entend sa maman dire qu'elle
préférerait une pizza sans tomate.

- Très bien, dit papa, pas de tomate, juste un peu de
   fromage. (Des bouts de papier, en réalité). Un peu de
   pepperoni, mon Pierrot ?

Pierre ne peut pas répondre. Pierre est une pâte à pizza avec
garniture. Mais si on chatouille la pâte à pizza, elle se tord de rire.

- Les pizzas ne sont pas censées rire !
- Les pizzaiolos ne sont pas censés chatouiller leurs pizzas !
- Bon, dit papa, il est temps de mettre cette pizza au
   four. Hum ! notre pizza est prête à être dégustée !

Le papa de pierre apporte la pizza sur la table.

- Nous allons devoir découper notre pizza.

Mais la pizza s'enfuit et le pizzaiolo la poursuit. La
pizza est rattrapée et câlinée. Maintenant le soleil a
chassé la pluie et la pizza décide d'aller retrouver ses amis.

Drôle de pizza (William Steig - Kaléidoscope)

Un bus pour Hawaï

Sam aime Geneviève. Comme un fou. Le grand
amour. Très grand. Aussi grand que Geneviève
est petite. Geneviève adore Sam. Elle est
amoureuse. A chaque instant. Pour toujours.
Il n'y a que Sam.

Un tapis bien propre. Du linge presque sec. Puis
ce doux silence qui vibre entre Geneviève et Sam.
Le bonheur se passe de mots. Aujourd'hui, la pluie
et le vent frappent la maison. Sam ferme la fenêtre et les rideaux.

Il garde un peu d'été dans la tête mais l'automne demeure dans son grand corps. "Une danse hawaïenne ! Un hula... et ça ira mieux ! Il sort des couleurs de l'armoire. Le carrelage de la cuisine est une île tropicale.

- Voulez-vous dansez, madame ? Quand il fait gris et froid. Hula ! Danse avec
   moi ! Franchement, ici on caille ! Allez, viens à Hawaï !

Geneviève ne parvient pas à dormir. Son pauvre Sam, malade de tant d'hiver,
rêve encore des îles. Comme chaque année.

- Moi, je n'ai que faire d'Hawaï, se répète-t-elle. Je veux juste pouvoir atteindre
   l'interrupteur et la cuisinière. Je veux faire les poussières, la vaisselle et préparer
   le thé. Juste pouvoir faire ce que Sam peut faire. Être aussi grande que lui.

Le réveil de Sam est brutal : une géante dans le lit
ronfle et pèse des tonnes. Sam va étouffer. Il se
dégage à grand peine. Fuir ! Vite ! N'importe où...
Geneviève s'éveille.

- Sam ? s'écrie-t-elle. C'est toi, Sam ?

Elle ne peut pas le croire. Une grande Geneviève
et un petit Sam. Une très grande Geneviève et un tout petit Sam. Ce n'est pas du tout ce qu'elle voulait. Pas du tout !

- Montre-toi, Sam, supplie Geneviève.

Mais Sam reste désespérément introuvable. Geneviève a faim sans aucune envie de
manger. D'ailleurs, elle ne pourrait pas cuisiner.

- Grand ou petit, j'ai besoin de toi.

Geneviève tourne en rond dans la maison. Et la voix de Sam tourne dans la tête de
Geneviève... Hawaï, ! Mais bien sûr ! s'il est quelque part... Je vais le chercher là-bas.
La chemise va parfaitement à Geneviève. Comme un peu de lui encore avec elle. Un
bus pour Hawaï... Peu importe si c'est loin. Et peu importe le prix.

Geneviève est découragée. Du soleil, des plages et un ciel bleu à ne rien savoir qu'en faire.
Mais pas la moindre trace de Sam.

- Hula ? murmure la valise.
- Je deviens complètement folle, pense Geneviève.
- Hula ! Hula... Hula ! insiste la valise.
- Sam ?, le coeur de Geneviève s'affole. Sam ! 
- Geneviève ! dit Sam. Geneviève !

Les mots courts vont avec le grand amour. Peu importe
la taille comme peu importe Hawaï... Geneviève et Sam dansent le Hula, l'un contre l'autre serrés.

Un bus pour Hawaï ( Ingrid Godon - Edition Être).

Jamais

Cet après-midi là, je m'ennuyais beaucoup. Pas question d'aller voir papa : il dormait.
Ni maman : elle téléphonait. Ni ma petite soeur qui déshabillait, habillait, déshabillait,
habillait, déshabillait ses minuscules poupées. Je m'ennuyais. Ma maman, tout en
téléphonant, me chuchota :

- Fais donc un dessin. Puis, elle s'éloigna en riant très fort au téléphone.

Devant la feuille de papier, je me suis demandé : Quoi dessiner ? Un dinosaure ? Bof,
j'en ai déjà tout un troupeau. Une voiture ? un camion ? Une girafe, un poisson ?
J'étais en train de regarder le plafond quand ma maman passa devant moi et me donna
une idée :

- Fais donc une liste de tout ce que tu aimes.

Puis elle s'est éloignée en riant encore dans le téléphone. Comme je crois qu'elle avait
très peur que je m'ennuie, j'ai commencé par me gratter la tête et tout à coup je me
suis dit que j'allais faire la liste de tout ce que je ne voudrais pas devenir plus tard. Pour
commencer :

Plus tard, je ne porterai jamais de lunettes. Jamais, jamais.
Plus tard, je ne porterai jamais de cravates. Jamais, jamais, jamais.
Plus tard, je n'aurai jamais de poils dans les oreilles. Jamais de poils qui me chatouillent
dans les oreilles.
Plus tard, je ne laisserai jamais mon ventre devenir gros. GrOs.
Plus tard, je ne ronflerai jamais. Ron ZZZZZZ
Plus tard, je n'aurai jamais de fausses dents, ni de rides. Peaulisse.
Et jamais, ça jamais, je ne m'endormirai devant la télé.

J'étais en train de me gratter la tête pour faire venir une autre idée quand on a sonné à
la porte. C'était papi Gilbert. Alors là, j'étais drôlement content, parce que papi Gilbert,
je l'aime vraiment beaucoup même s'il a des lunettes, une cravate, des poils plein les
oreilles, un gros ventre, des rides, des fausses dents (je les ai vues bouger un jour quand
il ronflait devant la télé).

Et parfois, je me dis que je voudrais bien être comme lui plus tard........................... Mais
alors, bien plus tard.

Jamais (Marc Solal - Motus)

mercredi 23 janvier 2013

L'origine du spectre de la fête d'Halloween

Dans la nuit des temps, vivait sur les vertes collines d'Arfon un vieil
homme nommé Sion Daffyd. Coeur de pierre et tête de bois,
celui-ci n'avait rien à envier au diable, qu'il redoutait moins que
personne. Un matin, justement, alors qu'il se rendait un fléau sur
l'épaule à Lhanfair-Fechan, où s'étendaient ses champs de maïs, il se retrouva nez à nez avec le malin qui transportait un grand sac contenant deux diablotins aussi méchants et rusés que lui.

Une fois n'est pas coutume, le vieil homme engagea aimablement la conversation. Mais
avec de tels compères, le ton ne tarda pas à monter et les injures et les coups se
mirent bientôt à pleuvoir de part et d'autre. Sentant la moutarde lui monter au nez, le
vieux Sion, qui entendait bien avoir le dernier mot, empoigna son fléau et l'abattit sur
le dos du diable avec une telle force que son sac se déchira de haut en bas, laissant
échapper les deux diablotins qui s'y trouvaient.

Tremblants de peur, ces derniers coururent se réfugier à toutes jambes dans le petit
village de Rhiwgyfylchi qui, depuis ce mémorable incident, possède la plus sinistre
réputation. Ravi d'avoir eu le dessus, le vieux Sion poursuivit gaillardement sa route
et passa plusieurs semaines sans revoir son adversaire aux pieds fourchus. Un soir,
cependant, au retour de la chasse, il l'aperçut au détour d'un chemin.

- Tiens, qu'est-ce que tu transportes sur ton épaule ? s'enquit le diable qui n'avait encore
   jamais vu de fusil ?
- Ma pipe ! répondit Sion avec une petite lueur dans l'oeil.
- Me la prêterais-tu pour que j'en tire une bouffée ?
- Volontiers, mon cher ami ! Laisse-moi donc la glisser dans ta bouche !

Et ceci fait, il pressa la gâchette ! Pour un beau coup de fusil, ce fut un beau coup de fusil !
Sans doute le plus terrifiant que la terre ait jamais connu !

- Aïe ! Aïe ! Aïe ! gémit le diable avant de disparaître dans un grand
   éclair blanc. Décidément, ta pipe ne vaut rien et ton tabac est
   beaucoup trop fort pour moi !

Plusieurs mois après ce mauvais tour, le vieux Sion croisa au
détour d'un chemin un brave Gallois, mais il ne fut pas long à
reconnaître sous cette aimable apparence le diable qui, comme
chacun sait, peut se déguiser comme il lui plaît. Cette fois-là,
cependant, aucune bagarre ne vint pimenter cette rencontre, car les deux compères tombèrent d'accord : le vieux Sion, qui avait besoin d'argent, accepta de
vendre son âme au diable contre un gros sac d'or, à condition que ce dernier ne puisse pas se saisir de lui tant qu'il trouverait quelque chose à quoi s'accrocher.

Pendant plusieurs années, le vieux Sion profita de sa richesse, mais un jour, alors qu'il
jardinait bien tranquillement, une force étrange le fit sursauter et le projeta très haut dans
les airs. "Cette fois, ma dernière heure est venue ! soupira-t-il. Je vais croupir en enfer !"
Mais à cette instant, son regard se posa sur son pommier et une brillante idée lui redonna
le sourire.

- Diable, gentil diable, avant de te suivre, je te demande une dernière faveur ! s'il te plaît,
   avant de partir, permets-moi de croquer une petite pomme pour rafraîchir mes vieilles
   lèvres desséchées !
- C'est peu de chose ! répondit le diable en haussant les épaules. Fais donc à ta guise !

Aussitôt, le vieux Sion escalada le pommier et s'y cramponna de toute ma force de ses
vieux doigts noueux.

- Souviens-toi de ta promesse ! lui cria-t-il alors joyeusement. Tant que je peux
   m'accrocher à quelque chose, tu ne peux rien contre moi !

Et pendant des heures, puis des semaines et des mois, le vieil homme qui était plus têtu
qu'une bourrique, resta cramponné à sa branche sans bouger d'un pouce. Finalement,
fatigué d'attendre, le malin finit par rentrer chez lui, ulcéré et les mains vides.

Toutefois, nul n'est éternel en ce bas monde
et un beau jour, même le vieux Sion finit
par mourir. Comme le diable n'était pas
parvenu à l'attirer en enfer, son âme fila tout
droit au ciel. Mais elle était si noire et si rusée
que les portes du paradis refusèrent de
s'ouvrir pour l'accueillir. Alors, faute
d'endroit où aller, le vieux Sion fut
condamné à errer sur terre sous la forme
d'un spectre portant une lanterne et c'est
sous cette forme qu'il apparaît chaque année le jour de la fête d'halloween.

 Histoires de fêtes d'ici et d'ailleurs ( Isabelle LAFONTA / Flies France) 

Léa passe la nuit chez Clara

Enfin, le grand jour est arrivé : aujourd'hui,
Léa a le droit de dormir chez sa meilleure
amie. Léa est très impatiente. C'est la
première fois qu'elle va passer la nuit chez
Clara ! Dès le matin, Léa prépare son sac
à dos.

- Que faut-il que j'emporte ? dit-elle,
   pensive. Des chaussons, des jouets... et
   bien sûr Grandesoreilles, mon lapin, il faut
   absolument qu'il vienne avec moi !

En fin de journée, papa et maman conduise
Léa chez Clara.

- A demain, trésor ! Et amuse-toi bien ! dit
   maman en lui donnant un gros baiser.
- Bonjour, Léa ! Tu viens ? On va dîner ! s'ecrie Clara.
- Oh, des spaghettis ! s'exclame Léa. C'est mon plat préféré. Miam ! Et celui de
   grandesoreilles aussi, bien sûr !

Léa et Clara sont affamées et finissent leur assiette. Après le diner, Léa déballe ses affaires
avec la maman de Clara et enfile son pyjama.

- N'oubliez pas de vous brosser les dents, rappelle la maman de Clara.
- J'ai une idée, chuchote Clara à l'oreille de Léa. Nous allons goûter pour voir quel est le
   meilleur dentifrice : le tien ou le mien !
- Oh oui !

Quel plaisir de faire sa toilette avec sa
meilleure amie : à deux, tout est beaucoup
plus drôle ! Léa et Clara joue encore
pendant un moment et chahutent dans la
chambre. Finalement, elles se font
rappeler à l'ordre par la maman de Clara :
Il est l'heure de dormir !

- Quoi ? Déjà ? Alors, lis-nous une
   histoire ?
- D'accord ! répond la maman de Clara
   en riant.

Elle lit une première histoire puis une
autre.

- Maintenant, c'est l'heure ! Bonne nuit, dit-elle en éteignant la lumière. Dormez bien !

Léa ferme les yeux et essaie de s'endormir. Bizarre, elle n'est pas fatiguée du tout ! Est-ce
la même chose pour Clara ?

- Clara ? chuchote Léa au bout d'un moment. Tu dors déjà ?

Léa entend un petit rire.

- Non, je suis encore complètement réveillée, répond Clara.

Hop ! soudain, un oreiller atterit sur Léa, puis un autre.

- Attends un peu ! s'écrie Léa en renvoyant un oreiller.

En un rien de temps, une joyeuse partie de bataille d'oreillers s'engage.

- Regarde, j'arrive à faire du trampoline sur mon lit ! s'exclame Léa en riant. Toi aussi ?
- Bien sûr, encore plus haut même ! se vante Clara.

Les fillettes sautent sur leurs lits comme des folles.

- Chut, il ne faut pas faire de bruit ! murmure soudain Clara. Sinon maman va nous
   entendre.
A cette instant, la maman de Clara passe
la tête à la porte.

- Alors, que se passe--il donc ici ?
- Hum, nous n'arrivons pas à dormir,
   balbutie Clara.
- Ah bon !

La maman de Clara sourit. Elle borde
de nouveau Clara et Léa et leur donne
à toutes deux un baiser en leur
souhaitant bonne nuit.

- Maintenant, on dort, petites canailles !

Léa et Clara finissent par s'endormir paisiblement. 

Histoires pour les petits (Ute LUTZ / VEMAG)

jeudi 17 janvier 2013

La princesse qui n'aimait pas les princes

Il était une fois, dans un beau et paisible royaume, une jolie princesse qui réussit un jour
une superbe mayonnaise. Conseillers et ministres, cuisiniers et garagistes, tout le monde
l'affirmait : il fallait la marier !

Le père ordonna donc ce que tout roi ordonne dans ce cas-là. Qu'il soit organisé un
grand bal où se présenteraient tous les possibles, probables et potentiels fiancés. Il
fit rédiger l'invitation sur du papier recyclé.

Princes d'à côté, venez ! Accourez ! Ma fille est à marier.
Elle est jolie, douce et aimable et dort très bien sur des petits pois.

La princesse les vit donc arriver, ces princes d'à côté. En file sur le chemin, un à un, ils
baisèrent sa main. il y avait des maigrelets qui pouvaient s'envoler, et des costauds avec
de gros biscotos. Il y avait aussi : des tout petits aux yeux de souris, et des très grands
aux oreilles d'éléphant. Il y avait encore : des courageux qui étaient pleins de bleus, et
des prudents qui allaient à pas lents.

Il y en eut bien un qui retint l'attention de l'assemblée une minute ou deux : un très grand,
très fort et très courageux. C'est qu'il débarqua dans un tel fracas qu'il était impossible
qu'on ne le remarquât pas. Mais quand il fit crisser les pneus de sa Harley sur le splendide
tapis en peau de yéti, la princesse manqua de s'étrangler :

- Ma carpette adorée, l'héritage de tante Zoé !

Non vraiment, merci bien, celui-là, il ne lui disait rien. Le roi fut fâché du contretemps, 
mais il voulut retenter sa chance. Il envoya par-delà les frontières des cartes postales 
sur la terre entière. 

Princes d'un peu plus loin, mettez-vous en chemin, ma fille offre sa main.
Elle est jolie, douce et aimable, et raconte mille et une histoires.  

La princesse les vit arriver au petit matin, ces princes d'un peu plus loin. En file sur le 
chemin, un à un, ils baisèrent sa main. Il y en avait : des blancs comme le lait et blonds 
comme les blés, et d'autres dont la peau noire brillait comme l'air du soir. Il y en avait 
encore, en habits multicolores, en rouge, en bleu, en vert, en or, et puis des élégants 
entièrement vêtus de noir et blanc.

Il y en eut bien un, au teint doux et doré, qui retint un instant l'attention de l'assemblée. 
C'est qu'il arriva à dos d'éléphant, suivi de girafes et d'autant de tigres géants. C'était 
très impressionnant ! Un petit peu trop peut-être... Les bêtes s'attaquèrent au perroquet 
de la princesse qui manqua de s'étouffer :

- Mon coco adoré, l'héritage de tante Zoé !

Non, vraiment, merci bien, celui-là, il ne lui disait rien. Le roi râla, c'est sûr, mais ne s'avoua
pas vaincu. Il avait dans sont bureau une excellente connexion internet branchée sur tous 
les univers, même les plus extraordinaires. Il envoya donc son courriel.

Princes d'encore plus loin, faites ronfler vos engins, ma fille vous attend dès demain.
Elle est jolie, douce et aimable, et rêve de vivre dans les étoiles.

La princesse les vit venir du ciel, tous ces êtres extraordinaires. En file sur le chemin, un à 
un, ils baisèrent sa main. Ils arrivaient d'en haut : des super héros aux capes belles comme 
des drapeaux, et quelques très savants sorciers bien calés sur leurs balais. Il y avait aussi : 
de géniaux scientifiques aux milles inventions fantastiques, et de grands champions du 
monde, de foot, de course ou d'aviron.

Il y en eut bien un qui retint un instant l'attention de l'assemblée : un superman masqué 
champion de karaté qui avait inventé l'eau froide à réchauffer... Sauf que pour faire sa 
démonstration, il attrapa un gros flocon et mit le feu dans le salon. C'était une bouteille 
neuve de Chamelle n°9, une flagrance extrêmement chère au pipi de dromadaire. La 
princesse manqua de s'étrangler :

- Mon parfum adoré, l'héritage de tante Zoé !

Non vraiment, merci bien, celui-là, il ne lui disait rien. Le roi faillit exploser, mais avant de 
perdre sa royale dignité, il résolut de questionner de nouveau ses sujets. Ministres et 
conseillers, cuisiniers et garagistes, tout le monde l'affirmait : il fallait appeler la fée. Elle 
seule saurait les aider. Le roi, cette fois, décida d'y mettre les moyens : on sortit le plus 
beau parchemin, un délicat vélin, rehaussé de dorures et décoré d'enluminures.

Madame la fée,
Venez sans tarder, ma fille est à désespérer. Elle est jolie, douce et aimable, mais il 
nous faudrait un miracle...  

On prépara en grande pompe l'arrivée de la fée au palais : tous les crapauds furent 
répertoriés, ainsi que les grenouilles, parce qu'on ne sait jamais... Les citrouilles à carrosses 
reçurent une triple dose d'engrais. Et on nettoya même les casseroles du palais (de toute 
façon, la mayonnaise avait fini à la poubelle).

La princesse vit alors arriver la fée, absolument charmante sur sa licorne blanche, qui 
remonta la file pour venir baiser sa main. Les princes autour d'elle se pressèrent. C'est 
qu'ils espéraient lui soutirer un ou deux petits souhaits : s'ils pouvaient obtenir rien qu'un 
palais ou une épée enchantée, voire une princesse à délivrer (pourvu que ce ne soit pas 
trop compliqué)... ils s'en iraient satisfaits !

Les maigrelets, les costauds, les petits, les grands, les courageux, les prudents, les blancs, 
les noirs, les multicolores, les élégants, les héros, les sorciers, les champions, les savants... 
tous s'accrochaient quémandant, suppliant... Mais la fée passait sans s'en soucier. La 
princesse, elle, la regardait s'approcher d'un air un peu inquiet. Surtout, elle redoutait la 
baguette magique : tomber folle amoureuse d'un prince de pacotille ? Non, merci !

Pourtant, quand la fée s'approcha, un drôle de truc se passa. Elle la vit, elle rougit, elle 
pâlit à sa vue. Était-ce donc cela l'amour tant attendu ? En une seconde, elle comprit que 
c'était elle. En deux secondes, elle montait derrière sa selle. En trois secondes, elles 
galopaient sous le grand ciel. Le miracle était arrivé ! Le roi, très étonné, en fit tomber 
son sceptre doré. Mais on dit qu'on vit sourire le portrait de tante Zoé.

La princesse et la fée allèrent s'installer dans le pays d'à côté. Elles ne purent pas vraiment 
se marier, et pour faire des bébés, ce fut un peu plus compliqué... Mais toutes les deux, 
elles vécurent très heureuses. Et c'est ainsi que doit s'achever tout véritable conte de fées.

La princesse qui n'aimait pas les princes (Alice Brière-Haquet / Benjamin)